« Ne me prends pas pour un con ! » a-t-il hurlé à s'en vomir les poumons. « Je sais Henri ! Je sais ! Mais merde, ça veut rien dire ! » essaya-t-elle de le convaincre. « Ce n'est pas possible ! Tu as vue ce que j'ai vue ! Et tu oses me dire que ça ne veut rien dire ?! Tu me prends pour un con ! » La femme s'inclina devant l'homme. Il avait sans doute raison, au fond. « Henri, je t'en pris. Assied-toi. Calme-toi. Elle n'a que seize ans... Ce sont des erreurs de parcours... » a-t-elle repris avec une voix plus douce, plus sereine. La vie est faite de découverte, d'essaie, d'expérimentation... C'était forcément la raison d'un agissement si « inapproprié » venant de leur fille adorée. « Avec un prénom si masculin, ça ne me surprendrait même pas, non plus ! C'était quoi ton idée de lui donner ce prénom, aussi ! Tu lui a mise en tête que c'était un homme ou quoi ? Alors là, mademoiselle s'affiche fièrement gouine ! » À ces mots, Charlotte se leva de la chaise où elle était assise et se dirigea vers l'évier. Devoir confronter Samuelle était une chose, mais devoir se battre avec son mari en était une toute autre. Elle a toujours adoré les noms masculins féminisées et Samuelle avait été son grand coup de cœur lorsque la petite pouponne avait pointé le bout de son nez. « Franchement, Henri ! Écoute-toi. Tu ne crois quand même pas que c'est pour cette raison qu'elle serait... » « Ne dit rien ! N'ose même pas insinuer qu'elle est... qu'elle est lesbienne ou quoi que ce soit d'autre ! » a-t-il coupé la parole de sa femme. Henri ne pourrait pas accepter une telle chose. Il aime Samu comme il ne pourra jamais aimé quelqu'un d'autre. Elle a toujours été si brillante, si parfaite et là... Le tout s’effondre. Désappointé, Charlotte lança dans le fond du lavabo le torchon qu'elle tenait nerveusement. Elle sortit de la pièce en un coup de vent, laissant Henri seul avec ses pensées. Vous vous demandez sûrement c'est quoi le big deal dans cette histoire, hein ? Eh bien lorsque Charlotte et Henri sont rentrés après avoir fait des courses, ils sont tombés nez à nez avec leur fille embrassant une autre fille près de la porte arrière. C'est à ce jour qu'ils eurent le premier avertissement...


« Samu ! Samu ? Tu m'écoutes quand je te parle ? » « Ah, désolée Emma. J'ai la tête ailleurs, tu vois. » répond-t-elle à son amie, tout près d'elle. « C'est tes parents, hein ? C'est pour ça que t'es arrivée ici si rapidement ? » Silence. Avait-elle vraiment besoin de mentionner le fait que ses parents s'étaient engueulés pendant au moins une demie-heure au sujet de ce fameux baisé entre elles ? « Em. Je t'aime, tu le sais ? » dit-elle finalement en se retournant pour faire face à la charmante blonde. Les deux étaient couchées dans le lit de cette dernière depuis une bonne quinzaine de minutes. Elles n'avaient pas parlé de grand chose puisque la brunette préférait garder le silence. Ça énervait Emma de savoir que son amie de cœur n'allait pas bien, en ce moment... Seulement, elle ne pouvait pas faire grand chose. « Et je t'aime aussi, Samu. Tu le sais, ça ? Je t'aimerai quoi qu'il arrive et tu pourras toujours compter sur moi. » Nouveau silence. Sourires. Baiser tendre et amoureux...


« Laissez-là parler, à la fin ! » lança-t-elle aux parents de Samuelle, assis à la table de cuisine. Emma se tenait debout, face à eux. Samu était tout près d'elle. Elles allaient livrer un combat des plus redoutables, mais elles l'avaient si soigneusement repoussé que là ça en devenait inévitable. « Sort d'ici ! C'est de ta faute ! » lança Henri à cette belle blonde qu'il avait vu grandir auprès de sa fille. « C'est de ta faute ! Uniquement de la tienne ! » « Ça suffit ! Je ne te laisserai pas l'insulter de la sorte ! » coupa Samuelle, sur le bord des nerfs. « Elle n'est pas responsable ! Je suis qui je suis et ça finit là. Elle n'y est pour... » « Sortez ! Sortez de chez moi ! Toutes les deux ! » À bout de rage, voilà qu'il venait de prononcer les mots que jamais il n'aurait penser dire un jour. Il ne le pensait pas sérieusement, mais à bout de souffle ils les avaient crié sans que personne ne puisse intervenir, pas même Charlotte qui était assise au bout de la table, les yeux pleins de larme. « Le penses-tu vraiment ? Tu veux vraiment que je parte, sans revenir ? » demanda-t-elle, comme pour le provoquer davantage. « Oui. » prononça-t-il avant de se lever et de quitter la pièce. « Samu, vient... On s'en va. » dit Emma en prenant son amie de coeur par le bras. Dernier regard sur sa mère, puis elle se dirigea vers sa chambre pour prendre quelques effets personnels avant de partir.


Depuis maintenant deux semaines que Samuelle vivait avec Emma et ses parents. (Heureusement que les parents d'Emma sont un peu plus ouvert d'esprit que Charlotte et Henri.) La brunette n'a pas revu son père depuis ce temps, mais elle a communiqué via SMS avec sa mère... Cette dernière semble désolée pour sa petite fille chérie, mais elle n'est pas prête à confronter Henri à nouveau par rapport à ce sujet délicat... « On pourrait peut-être inviter ta mère à venir manger avec nous, dimanche ? » proposa Emma qui jouait dans les cheveux de sa tendre. « Elle a envie de te revoir, c'est évident, Samu. C'est juste à cause de ton père qu'elle ne peut pas le faire... » renchérie-t-elle. « Je pense que tu as raison, oui... Ça pourrait être une bonne idée... » Quelques jours plus tard, un dimanche soir, Charlotte se présenta chez les parents d'Emma, bouteille de vin en main. « Merci infiniment pour l'invitation. » dit-elle aux parents de la blonde une fois la porte ouverte. Lorsque les deux jeunes filles descendirent l'escalier pour accueillir leur invité, Samuelle ne put s'empêcher de laisser couler une larme le long de sa joue. Elle fit une longue étreinte à sa mère. « Je t'aime, maman ! » dit-elle avec un sourire plus que rayonnant aux lèvres. Le dîner se passa plus que merveilleusement, mais à la fin il fut temps de se dire au revoir. Charlotte reparti chez elle, laissant Samuelle de nouveau triste...


Les mois passèrent et le bal de graduation arriva rapidement. Entre temps, Emma et Samuelle avaient vécut de grandes choses. Premièrement, les parents de la blondinette ayant déménagés, elle dut faire face au choix d'aller vivre avec eux à Miami ou rester à Zagreb chez ses grands-parents. Bien évidemment, il y avait beaucoup trop en jeu... Elle préféra rester près de son amour. Cependant, comme les grands-parents de cette dernière ne sont pas très ouverts face aux « différences », il n'était pas question que son amie reste avec eux. Elles firent donc croire aux parents de Samuelle qu'elles n'étaient plus ensemble afin que celle-ci puisse retourner vivre auprès d'eux. Leur rencontre se faisait de plus en plus rare puisqu'elles ne voulaient pas attirer les soupçons des grands-parents de l'une et des parents de l'autre. Leur relation devint donc de plus en plus difficile à vivre et la soirée du bal fut celle qui changea leur vie à toutes les deux... « Samuelle, je t'en pris. Tu ne peux pas m'en vouloir pour ça ! Tu savais que c'était ce que je voulais faire ! Ce n'est pas tout le monde qui a la chance d'entrer dans le programme de droit à Yale ! » Silence. Samuelle secoua la tête. « Je sais, Em. Je ne t'en veux pas. C'est juste que ce n'est pas ce que j'avais imaginé pour nous... ». Le « nous » était-il encore approprié ? « Regarde... Je vais partir. Je préfère partir et me construire une vie que j'aime plutôt que de vivre cacher ici... J'ai besoin d'espace, de liberté. Toi aussi... » « Oui, mais moi je peux avoir cette liberté en restant ici. Toi aussi, tu pourrais. On n'a qu'à se trouver un appartement et... Tu pourrais étudier à l'Université locale... » essaya-t-elle d'argumenter bien que ça ne changerait pas grand chose. Toutes les deux cachées dans les toilettes, elles eurent une conversation qui tourna en rond. L'une souhaitait partir, l'autre voulait la retenir... Ce n'était pas qu'Emma n'aimait plus Samuelle, non... C'est juste qu'elle ne peut plus vivre encabanée ici sans pouvoir être heureuse avec qui elle veut et devant tout le monde. « Je vais partir, Samu. Et tu ne pourras pas m'en empêcher. Si tu m'aimes vraiment, tu n'essayeras pas de me retenir lorsque je partirai dans deux mois... » Silence. La brunette tourna les talons et sortit des toilettes. Elle rentra chez elle, en larme. Ne se cachant même pas de son père, elle déballa la bombe à sa mère. « Samu, ma belle... Shh... Ça va aller... Peut-être qu'elle reviendra durant les congés ? Peut-être que... Ah, ne t'en fait pas... » Bien évidemment, Charlotte ne savait pas vraiment quoi dire pour consoler sa fille unique. Henri, non-loin de là, se mordait les doigts. Comment avait-il pu être si aveugle et ne pas se rendre compte que sa fille chérie était réellement, réellement amoureuse de quelqu'un du même sexe. Dommage qu'il s'en soit aperçu si tard...


Depuis deux ans, Samuelle est étudiante en design graphique à l'université de Zagreb. Elle adore ses études et pour rien au monde elle voudrait s'en passer. Elle a un sens très créatif qui apporte une touche d'originalité dans tous les travaux qu'elle remet. On peut vraiment dire qu'elle est dans sa branche. Pour ce qui est de ses parents, Charlotte et Henri, ils ont décidés de lui payer un appartement près du campus. À l'âge où elle est rendue, ils se disent qu'elle mérite une part de liberté. Bien sûr, ils lui rendent visite au moins une fois par semaine si ce n'est pas plus ! Pour ce qui est de l'histoire Samma, elle est en suspend. Elles ont gardées contact, bien évidemment, mais l'amour à distance n'est pas trop le fort de la brunette. Elle trouve la situation de plus en plus difficile, mais ne veut pas couper les ponts... Elles se sont revues durant les grandes vacances d'été, mais c'est tellement douloureux de devoir lui dire au revoir qu'elle prèfre ne plus la voir. C'est un peu ambigüe dans sa tête, en ce moment... Elles se parlent via Skype et MSN, mais à toutes les fois, ça tourne au même... « Tu reviens quand ? » « Probablement dans le temps des fêtes... » « Non... Je veux dire... Tu reviens quand officiellement et pour de bon ? » Silence. « À la fin de mes études, Samu... Et encore là, ça dépend. Ils ont de superbes emplois, ici... » Silence. « D'accord... » Silence, encore. « Je dois te laisser, là. J'ai des choses à faire... » Fin de la conversation. La brunette a de plus en plus de difficulté à faire avec ce genre de relation qui lui fait de plus en plus mal... Elle se dit encore « en couple », mais rien ne l'empêche de voir ailleurs... Disons que tout ce qui la rattache à Emma, c'est le souvenir. Peut-être que ça serait différent si elle revenait en ville, mais pour l'instant ce n'est pas le cas...