Shay L. Riley
Shay,
Beaucoup de personnes auront demandé pourquoi un tel choix de prénom. Il n'a rien de Croate, il n'a presque rien d'Américain. Shay est en fait un prénom d'origine asiatique et elle le porte comme une fierté. Pourquoi avoir nommé cette fille Shay ? Je suis tenté de dire que ce n'est pas quelque chose de justifiable. Pourquoi des parents se justifieraient pour un simple prénom ? Pourtant, son père avait une raison pour ce choix. Ça remonte à loin, très loin. Mais pas assez, à vrai dire. Il connaissait et sortait déjà avec la mère de Shay. Ils se vouaient un amour démesuré, vivaient d'amour et d'eau fraiche et ils n'avaient aucunement prévu un enfant à cette époque. En effet, elle n'était pas née et ses parents étaient en voyage de noces. Durant ce voyage, ils firent des rencontres, prirent des photos, sourirent et s'amusèrent ensemble comme tout jeunes mariés de base. Mais à peine une semaine fut écoulée que le cher père de Shay fit une rencontre qui bouleversa l'amour qu'il avait pour sa dulcinée. Il trompa sa femme avec une autre, nommée Shay
et c'est d'ici que sortit le prénom de leur futur enfant. Naturellement, sa femme ne s'était doutée de rien et elle n'avait pas non plus posé de questions sur ce choix. Qui aurait pu se douter de son adultère ? Il avait gardé le secret, en souffrant, mais il l'avait gardé coute que coute. Et plus jamais il ne revit Shay.La journée, que dis-je, la nuit aurait pu mieux se passer. La grossesse de la mère de Shay était à son terme. C'était la nuit de sa naissance, vous l'aurez deviné. Mais que s'est-il exactement passé cette nuit ? Des choses horribles, des choses graves et une seule chose de merveilleuse...
Il faisait noir dans la chambre conjugale. Normal, à trois heures du matin. Cependant, à un moment de cette nuit calme et fraiche, on entendit un bruit dans la maison des Riley. C'était la maitresse de maison qui alertait son mari de l'arrivée imminente de l'enfant en paniquant, en criant et en le secouant avec énergie. Elle avait toujours eu l'appréhension. Se retrouver enceinte était peut-être la pire chose qui avait pu lui arriver. Malgré qu'elle ait été terriblement heureuse de la nouvelle, elle ne pouvait s'empêcher de regretter parce que ce petit être allait lui voler sa jeunesse et lui déchirer les entrailles. En tout cas, c'est ce qu'elle imaginait. Dans sa tête, ce n'était pas du tout positivement qu'elle imaginait l'accouchement. Au contraire, elle imaginait ça comme un supplice. Le pire qu'il soit. Elle n'avait pas hâte d'accoucher de cet enfant parce qu'elle ne voulait pas avoir mal. On pouvait lui avoir garanti maintes et maintes fois qu'il existe des traitements et des anesthésies pour les cas de femmes enceintes mais rien n'y faisait.
« J'ai peur d'avoir mal. Je vais avoir mal. » se répétait-elle sans cesse. Elle avait la qualité de ne pas embêter son mari avec ça, lui qui était mille fois plus heureux qu'elle de cet événement. Lui, il n'avait pas de mauvais pressentiment.
Sur le chemin de l'hôpital, tout allait bien, malgré que la patiente hurle à la mort dans l'ambulance. On se serait cru dans un film dans le genre de
Alien. Mais madame Riley avait la mauvaise manie de tout exagérer. Pourtant, il ne semblait pas qu'elle exagérât. Non, elle semblait vraiment souffrir le martyre. Mais un accouchement, ce n'est pas une partie de plaisir, ce n'est pas quelque chose qu'on vit forcément bien. Combien de jeunes femmes ont-elles laissées leurs vies pour l'offrir à leurs petits ? Une multitude, malgré les progrès de la médecine. On peut s'attendre à tout car nous sommes tous différents. Et il s’avérait que madame Riley soit l'une des exception. Il s'avérait qu'elle fasse partie des plus fragiles malgré les interventions des médecins. Toute persévérance fut vaine. Elle y laissa la vie, offrant à son mari le privilège de s'occuper d'une petite fille. Il en était capable, il le savait, bien qu'il ait été effondré du départ de sa femme. Il était déterminé, il ne laisserait pas tomber sa fille, pas maintenant alors qu'elle en avait le plus besoin.
[ … ]
Il était sept heures du matin, Shay venait d'avoir dix-sept ans et c'était l'hiver. Elle revenait d'une sortie plus ou moins longue. La veille, elle avait dormit chez une de ses plus proches amies... chez sa petite amie, pour être exacte. Il ne semblait pas à Shay que son père fut au courant de quelque chose concernant son orientation sexuelle assumée. Pourtant, le doute planait et elle se sentait mal de peur que son père ait su par une autre personne ce qu'elle faisait lorsqu'elle ne rentrait pas la nuit. Alors elle avait choisit ce jour-là pour le lui dire. Elle l'avait choisit comme on aurait choisit un muffin derrière une vitrine au dernier moment. Une envie, une pulsion qu'elle devait assouvir coute que coute au lieu de laisser ce poids la surcharger jusqu'à ce qu'elle craque. Son père était dans la cuisine. C'était rare qu'il y soit le soir mais elle ne se posait pas de questions. Ça ne sentait pas le repas du soir, la table n'était pas mise, alors elle se disait que c'était à elle de le faire. Shay accrocha son écharpe et sa veste au porte-manteau, retirait ses gants et entrait dans la cuisine, joviale, allant directement prendre la casserole pour préparer des pâtes – elle ne savait pas cuisiner énormément de choses à cette époque –.
« Shay. » La blonde s'était tournée vers son père, sourcil relevé, intrigué, mais toujours avec son sourire radieux. «
Qu'est-ce qu'il y a ? tu veux autre chose à manger ce soir ? - Assieds-toi, Shay. » Une boule se formait dans sa gorge, la casserole se posait presque d'elle-même sur le plan de travail et la demoiselle allait prendre place sur la chaise en face de son père, les mains sous la table qui se tortillaient à cause de son stress. L'ignorance de son prochain discours, son calme, ses yeux mi-tristes mi-soulagés. Au fond, elle se doutait bien de ce qu'il allait dire. Mais quelque chose l'empêchait de croire que c'était ce qu'elle pensait. Shay se contentait d'attendre sagement la suite des évènements, elle se préparait mentalement à partir en courant si besoin allait être. Ce suspens invivable, pesant qui régnait parce que personne ne parlait... elle aurait préféré se tuer tout de suite. «
Shay... - Oui, papa.. ? - Shay... tu aime les filles ? » Pendant un instant, il y eut un blanc. Une pause interminable car Shay observait avec attention son père. Il ne semblait pas en colère. Il ne semblait pas vouloir l'assassiner, au contraire. Mais il n'était certainement pas soulagé de le savoir. Il n'avait pas parlé d'homosexualité non plus, alors que dire ? Doucement, la blonde entrouvrit les lèvres pour murmurer un timide mais audible : «
Oui. ».
Je peux vous assurer que rien ne s'est mal passé concernant son coming out sachant que c'est son père lui-même qui a cherché à avoir une confirmation. Qui le lui avait dit et si quelqu'un le lui avait dit, elle ne l'a jamais su mais ce n'est pas comme si ça la dérangeait réellement puisqu'elle avait toujours son père avec elle. Il a soutenu son idée d'aller étudier la photographie, il lui a payé ces études, d'ailleurs. Alors quoi ? On peut dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Les deux vivent seuls, malgré que monsieur n'ait pas été trop d'accord puisque « c'est encore un enfant ». Mais la vraie raison est bien qu'il ne veut pas être tout seul. De ce fait, Shay va régulièrement rendre visite à son père. Entre les cours, les fêtes et les amis, elle arrive toujours à caser cet homme dans son emploi du temps. Elle lui doit bien ça. «
Il ne mérite pas d'être seul. »