i know i can't take a step towards you
« Tu dors ? » Darja prit son temps pour répondre.
« Non. » Dans le noir, elle pouvait presque sentir que son interlocuteur sourire. D’ailleurs, elle sentait une main remonter le long de son corps. S’attarder sur ses côtes. Puis finalement, des lèvres se poser sur les siennes.
« J’espère que vous ne faites pas de bêtises ? Je ne vous entends plus papoter ? » La mère de Darja ouvrit la porte en coup de vent.
« Quoique … tant que vous ne faites pas de cochonneries, vous pouvez faire tout ce que vous voulez ! » dit-elle sur le ton de la plaisanterie. Les deux complices attendirent que la mère soit partie pour éclater de rire.
« Si elle savait ! » chuchota Milena en pouffant. Elle entremêla ses doigts à ceux de Darja et chercha ses lèvres. Cela faisait quelques mois que les deux jeunes amies étaient devenues un peu plus que des amies. Pourtant, il y a encore un an, elles ne se connaissaient pas. Milena avait débarqué dans la classe de Darja. Au départ ennemies, elles ont fini par reconnaitre que la tension qui existait entre elles n’était pas de la haine, mais une pure attirance sexuelle.
♣ ♣ ♣
Il fallait être honnête, beaucoup de filles détestaient Darja. Elle avait cette attitude et cette espèce d’aisance naturelle qui donnait à tous l’envie de l’aimer. Et par tous, on entendait surtout la gente masculine. Darja avait déjà eu un nombre impressionnant de petit-ami, si bien qu’elle collectionnait les insultes de la part des autres filles. Elle avait cette réputation, celle de la fille qui dépucelait à la demande. Personne n’a jamais su si c’était vrai, et à vrai dire Darja ne faisait rien pour démentir. Elle adorait brouiller les pistes. Faire un pas en avant puis trois en arrière. Dès le jour de son arrivée, Milena avait cerné le personnage. Elle arrivait en même temps que son meilleur ami, Sven. Leurs parents étaient tous des militaires qui venaient d’être mutées à Zagreb, c’est-à-dire qu’ils partiront de nouveau dans quelques mois. Le hasard avait fait que les deux familles étaient souvent déplacées ensemble, ce qui a permis à Sven et Milena de forger des liens durables. Des liens qu’elle ne voulait pas sacrifier à Darja. Cette dernière a eu le malheur d’adresser trop amicalement à Sven. Elle a même poussé le vice à l’inviter chez lui "pour étudier". Lui, naïf et innocent – ou, au final, pas tant que cela – avait accepté. Avant la veille du rendez-vous des jeunes adolescents, Milena s’était rendue chez Darja.
« Que me vaut le plaisir de cette visite ? » lanca-telle en ouvrant la porte.
« Je pense que tu sais très bien de quoi je parle. » cracha Milena. Joueuse, Darja l’invita à pénetrer dans sa demeure. Elle ne savait pas si Milena avait attendu l’incitation ou avait décidé d’elle-même de rentrer.
« Je sais très bien à quoi tu joues avec Sven. Ca ne t’a pas suffit de te taper tout le quartier ? Il te faut aussi les nouveaux ? » Tranquillement Darja se dirigea dans sa cuisine et se servit un verre.
« Je vois qu’il n’a fallu que très peu de temps pour que les filles de la classe te retourne le cerveau. C’est dommage, je te pensais plus intelligente. » Elle but une gorgée de son verre, pour laisser le temps à Milena de digérer ses paroles.
« Quand à Sven, je vais être honnête, on n’a pas couché ensemble … » Milena se rapprocha alors rapidement de Darja
« … mais si tu veux savoir, quand on le fera, ça sera tellement bon qu’on nous entendra jouir à l’autre bout du pâté de maison… » La gifle partit, rapide comme l’éclair. Darja ricana doucement et continua son récit.
« Bah quoi. Tu te l’es pas tapé ? Je te demande parce qu’on s’est déjà tripoté quand t’avais le dos tourné et la manière dont il me parlait de toi m’avait fait pensé qu’il t’avait déjà tiré. » A présent les deux jeunes filles étaient dangereusement proche. Darja pouvait sentir la respiration saccadée de Milena sur ses lèvres. Elle parla si doucement que Milena dut tendre l’oreille pour comprendre.
« Alors au lit, comment il est ? » Vicieuse, elle continuait jusqu’au bout à jouer au rôle de salope qu’on lui attribuait si volontiers. On pensait qu’elle se tapait tout ce qui bougeait ? Très bien, autant forcer le trait. Toute son enfance, elle était la fille qu’on rejetait parce qu’elle était trop bizarre, trop grosse ou trop petite. Le simple fait qu’on puisse la trouvait suffisamment attirante pour séduire la gente masculine la flattait beaucoup trop.
« Est-ce qu’il t’a déjà fait jouir ? » La dernière chose à laquelle Darja s’attendait, c’était que Milena l’embrasse. L’avant-dernière chose, c’était qu’elle réponde avidement à ce baiser. Elle avait déjà embrassé une fille, là n’était pas le problème. Mais dans ces cas là elle était bourrée ou faisait semblant de l’être, ou elle voulait simplement exciter des garçons. Ici, une réelle passion la brulait et lui donnait envie d’explorer davantage la bouche de la jeune fille.
and who do you think you are ?
« C’était ta première fois ? » Darja ferma les yeux et souffla doucement.
« Oui. » Il n’avait pas besoin de savoir la vérité. De toute façon, s’il se posait la question, il aurait du s’en rendre compte, non ? Elle avait menti parce qu’elle savait que la plupart des garçons adoraient prendre la virginité d’une fille. Mais tout ce qu’elle voulait, en ce moment, c’est qu’il ne cesse pas de la toucher. L’unique raison pour laquelle elle avait couché avec lui, c’était pour savoir si elle était toujours attirée par les garçons. Et au vu de la scène et des cris poussés, aucun doute, elle les aimait toujours autant ! Pourtant, elle n’arrivait pas à savoir si c’était une bonne chose. Au moins, si elle était lesbienne, elle n’aimerait que les filles, point final. Si elle était hétéro, elle continuerait ce qu’elle a toujours fait et ça serait encore mieux. Là, le simple fait d’avoir adoré la demi-heure qui venait de s’écouler la perturbée. Darja était complètement déboussolée. Et puis merde, se dit-elle en se mordant les lèvres. Elle aurait tout le temps d’y penser demain.
« Je ne vois pas de quoi tu te plains, être bisexuelle, c’est génial ! » Darja haussa un sourcil moqueur.
« Attends, plus besoin d’hésiter ou de choisir ! Ou alors, deux fois plus de choix sur le marché des célibataires ! Je vois vraiment pas où est le problème ! » Darja se sentait rongée par la culpabilité. Bien que Milena et elle ne soient pas des petites amies à proprement parler, elle lui devait la vérité. Darja avait beau être vicieuse, elle plaçait l’honnêteté au dessus de tout. Quitte à tout perdre.
« J’ai couché avec un autre mec pour en être sûre. » Surprise, Milena se tourna vers elle.
« Alors coquine, t’as pris ton—» Darja sut que Milena n’avait pas compris. Elle ne voulait pas enfoncer le clou, mais c’était la seule manière de lui faire comprendre.
« C’était Sven. » c’était comme si Darja l’avais giflée. Tout doucement, Milena se releva du canapé sur lequel elles étaient installées. Elle laissa sa tasse de café lui échapper des mains pour s’écraser sur le sol.
« Je n’aurais jamais du te faire confiance. Depuis le début, je savais que tu n’étais qu’une traînée. » Au delà des mots, ce qui blessait le plus Daria c’est que Milena pouvait réellement ce qu’elle disait. Avoir les mots en bouche, c’était toujours moins violent que de les avoir imprimés dans le crâne et vociférés avec une telle passion. Elle avait cru trouver en une alliée, une amie, une amante. Elle n’essayait pas de rattraper Milena, qui était déjà partie de toute manière. Elle se contenta de se lever pour aller ramasser un par un, les morceaux de porcelaine brisée au sol.
don't come back for me, don't come back at all
« Casse-toi. » Déboussolée, la personne avec qui Darja a passé la nuit se releva d’un coup.
« Allez, lève toi et barre-toi. » Elle venait de se réveiller pour constater que sa prise de la veille était encore là. Elle se rappela alors qu’elle avait ramené une fille. Perplexe, elle se gratta la tête : elle se souvenait avoir dragué un jeune homme. Peu importe, se dit-elle en balançant les vêtements de sa conquête à travers la pièce. La manière la plus explicite de virer quelqu’un de chez soi. Depuis la fois où Milena l’avait quittée, toutes les relations de Darja se déroulaient ainsi. Séduction, concrétisation, passage à l’action, éjection. De toute façon, ça ne la dérangeait pas de vivre ainsi. Elle comptait garder ce mode de vie jusqu’au moment où elle trouverait quelqu’un qui lui conviendrait. D’ici là, elle avait tout le temps de s’amuser et profiter, comme Milena lui avait conseillé. Les deux jeunes filles ne s’étaient pas revues depuis ce fameux jour de la rupture. Darja pensait d’ailleurs que c’était mieux ainsi. Darja n’avait pas sombré dans une espèce de dépression post-rupture. En réalité, elle serait pour toujours reconnaissante à Milena de lui avoir ouvert les yeux sur sa sexualité. Non pas qu’elle la vivait mal avant, mais elle s’était épanouie et rendue compte qu’elle serait passée à côté d’un large éventail de possibilités.
Après avoir quitté l’université et obtenu avec succès une licence en gestion, Darja est parti trois ans à Londres pour espérer devenir trader. La vie à la City de Londres ne lui a pas tellement plus. De plus, ses prouesses avaient attirés l’intention d’une revue spécialisée qui lui proposait d’écrire de nombreux articles et pourquoi pas, devenir une animatrice pour la chaine nationale spécialisée dans la finance. Elle ne se considérée pas comme l’une des meilleures dans son domaine, mais puisqu’on la demandait, et de plus dans son pays natal, elle ne voyait pas de raisons de refuser.