La sonnette d’entrée me réveilla dans un sursaut et, me levant du canapé sur lequel je m’étais assoupi, je regardais l’heure. 23h30 ? Mon cœur accéléra, non pas qu’il était plutôt étrange que quelqu’un vienne sonner chez moi aussi tard, mais aussi et surtout parce que j’étais une grande peureuse adepte des vieilles séries policières. Hésitante, j’avançais vers la porte, puis reculais. « Iva c’est moi, ouvre ! » Mes jambes se raidirent au son de sa voix, mes yeux encore à moitié clos commencèrent à s’embrumer. Il me fallut quelques minutes avant de réagir. « J’veux pas de toi ici, pars ! » J’avais essayé de paraître ferme, mais les tremblements dans ma voix avaient tout fichu en l’air. « Fais pas l’enfant, faut qu’on parle ! » Moi, faire l’enfant ? Non, j’étais simplement surprise. Choquée. J’avançais doucement vers la porte, et défit le verrou. J’ouvris la porte, grosse erreur de ma part. Sa gueule d’ange, son parfum, son regard attendrissant et son petit sourire en coin quand il me vit. Je me retenais de ne pas sauter dans ses bras, de fondre en larmes. « Qu’est ce que tu fou là.. » Ce fut la seule chose que je réussi à marmonner, baissant le regard. « Il faut vraiment qu’on ait une discussion. » Je me poussais, le laissant rentrer dans mon appartement. Je savais déjà que la nuit allait être longue. Très longue. Le regardant s’asseoir sur le bord du canapé je m’installais à l’autre bout, le plus loin possible de lui, bien que cette distance m’était déjà insupportable. Les minutes passèrent sans qu’aucun de nous deux ne dise un mot.

J’avais rencontré Lucas à Londres, j’avais 20 ans. C’était quelques temps après le décès de mes parents qui m’avait tant affectée. Il avait su me redonner le sourire comme personne d’autre. Il avait redonné un sens à ma vie, tout simplement. J’étais éperdument amoureuse de lui, lui de moi. C’était le bonheur. Un rêve qui dura 9 ans. Mais le réveil fut brutal.

« Si tu savais comme tu me manques. Comme je regrette. » Il ne m’en fallut pas plus pour que des larmes se mettent à couler le long de mes joues. Ses mots résonnèrent dans ma tête tel un écho, et je déglutis. « T’as pas le droit de me faire ça. T’as pas le droit de revenir avec ton petit sourire, et de me dire tout ça. Tu crois que c’est suffisant ? C’est pour ça que tu débarques à cette heure ci, pour me dire que t’es désolé ? Tu perds ton temps. » Ses yeux ne changèrent pas d’expression, il ne me croyait absolument pas. Il avait raison. Mes dernières paroles sonnèrent faux en sortant de ma bouche. C’est vrai, je pourrai retomber dans ses bras à tout instant, bien que j’essayais de me convaincre du contraire. Mais rien qu’en l’entendant soupirer, rien qu’au son de sa voix. J’allais craquer. « T’es partie de Londres sans me prévenir. Ca fait 3 mois que j’en dors plus, que je m’inquiète pour toi. J’ai réussi à faire cracher le morceau à ta sœur. Dès que j’ai su, j’ai pris un billet d’avion. » Fuyant son regard, j’essuyais mes joues. Je le sentis se lever, et s’asseoir tout près de moi. Il me prit dans ses bras, me serra contre lui. Ce que je ressentis à ce moment là était tout bonnement indescriptible. C’était le bonheur. Mais je savais très bien que je me mentais à moi même, que rien ne redeviendrait comme avant. Que nous ne retrouverions pas cette complicité que nous avions. « Reviens à Londres avec moi demain. On reprend à zéro. Je t’aime tellement. » Des milliards de choses se bousculèrent dans ma tête. J’enlevais ses bras autour de ma taille, avant de me dresser devant lui. « J’étais enceinte. » Ne lui laissant pas le temps d’encaisser la nouvelle, j’enchainais. « Cette nuit où tu m’as laissé, je l’ai perdu. » Voilà pourquoi je lui en voulais d’autant plus. Je vis ses traits se crisper, ses yeux changer totalement d’expression. Il se leva à son tour, prit mon visage entre ses mains. Il ouvrit la bouche comme pour me dire quelque chose, mais n’y parvient pas. Je me dégageais une nouvelle fois de lui, le laissant debout au milieu de la pièce, encore sous le choc. « Iva…Si tu savais à quel point je regrette. Je donnerai tout pour revenir en arrière. Tout. » Il n’arrivait plus à me regarder dans les yeux. Il avait honte, et il avait de quoi. « Sauf que c’est impossible. Et que même si je te pardonnais, rien ne redeviendrait comme avant. J’veux réussir à oublier tout ça. Mais sans que tu fasses parti de ma vie. C’est finit. »

J’avais puisé dans les dernières forces qu’il me restait pour lui dire ces mots. Je me demande encore comment j'en ai eu le courage. Le lendemain matin, la réalité me frappa. Cela faisait de nombreuses années que je n'étais pas revenu à Zagreb. Mais ce n'était pas tant ça qui m'effrayait. J'étais toute seule. Et ça me faisait terriblement peur.