Londres, Royaume-Uni; appartement des Douglas, 14h10 -
« Chéri, appelle une ambulance ! Elle est pressée ! »
plus tard...
« Je vous présente Anna, votre petite fille. »
Ma naissance, c'est comme ça qu'elle s'est passée, normalement quoi... Inutile de dire que mes parents furent les plus heureux, ils m'attendaient avec impatience depuis neuf moi et j'étais enfin là, dans les bras de ma mère, Brooke Douglas. Je fus accueillie merveilleusement par tout le monde : les amis, les voisins, la famille... Tout le monde était très heureux que je sois enfin sortie, tout le monde sauf papa. Mon père, Harry Douglas, PDG d'une grande entreprise, ne voulait pas d'une petite fille. Il aurait préféré un garçon à qui il apprendrait à jouer au golf, à draguer les filles, à être classe et avoir un bon avenir dans le même secteur que lui. Or, c'était moi,Anna Douglas, Sophia de mon deuxième prénom, qui était née et même s'il essayait de le cacher, je savais très bien qu'il regrettait que maman m'ait gardée. Mon enfance fut assez simple à vrai dire, ma mère ne travaillait plus et vivait de l'argent de mon père ainsi que de celui qu'ils avaient mis de côté pour mon arrivée dans le monde. Ils s'étaient toujours promis de me donner tout ce dont j'avais besoin, de m'offrir une vie heureuse et j'ai d'ailleurs toujours baigné dans l'argent... J'étais dans une école privée et mon institutrice disait à maman que j'avais un bel avenir devant moi. J'avais des copains et des copines qui me ressemblaient, ils portaient tous les mêmes vêtements que moi et ils parlaient très bien, dans un langage soutenu, tout comme moi, parce que maman m'y obligeait. Dans l'année de mes huit ans, c'était mon père qui m'amenait à l'école, venait me chercher et maman ne m'aidait plus à faire mes devoirs. Elle restait toute la journée au lit, en me disant qu'elle était malade. Un jour, alors que je venais d'avoir dix ans, je rentrais de l'école avec Janett, une domestique que papa payait car il n'avait pas assez de temps pour s'occuper de moi, on m'annonçait que maman était morte suite à un cancer du cerveau. Ce fut le jour le plus horrible de ma vie. Après ça, je ne voulais plus parler à personne, ni même me rendre à l'école. Maman me manquait, j'accrochais tous les jours une nouvelle photo d'elle dans ma chambre. Je vivais avec mon père qui n'était d'ailleurs jamais présent, trop pris par son boulot de PDG. La domestique qui s'occupait de m'élever et de faire le ménage dans notre demeure s'appelait Janett. C'était une peu comme une deuxième maman même si elle ne pouvait pas la remplacer. Elle était très gentille avec moi, m'aidait pour mes devoirs et me faisait à manger. Les jours passaient et je faisais le deuil de maman petit à petit, même si, quand je me répétais son prénom dans ma tête, mes yeux se remplissaient de larmes. Quand mon père me voyait, il faisait semblant de s'intéresser à moi en me demandant si j'allais bien et en me prenant dans ses bras. C'était de la comédie, ça crevait les yeux...
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Cher journal,
pour mes seize ans, Janett m'a offert un journal intime. C'est la première fois que j'en ai un et j'avoue que ça ne m'enchante pas trop de raconter ma vie à un objet, même si devant elle, j'ai fait mine d'être super contente. Elle a dit que ça m'aiderait beaucoup puisque je ne me confiais à personne, mais je doute qu'un simple cahier puisse m'aider. Maman me manque toujours, j'ai maintenant pleins de photos d'elle au-dessus de mon lit et quand je m'endors, c'est avec elle. À la maison, rien n'a changé : mon père n'est jamais là et Janett travaille tout le temps. C'est d'ailleurs elle qui a préparé mon anniversaire qui s'est super bien passé. J'ai invité des amis que j'ai rencontré au lycée. En parlant de ça, mon entrée au lycée a été un peu difficile. Ça me changeait de l'école privée mais c'est tout de même mieux, on a plus de liberté. Les profs sont sympa mais l'emploi du temps l'est moins... Je finis trois jours par semaine à dix-huit heures et j'ai toujours pleins de devoirs. Heureusement pour Janett, maintenant, je n'ai plus besoin d'aide. Finalement, c'est pas si mal de te parler, je commence à m'habituer !
Signé Anna.
Cher journal,
j'ai rencontré une fille au lycée, il s'appelle Laura. Je l'aime bien, elle me fait rire et j'en ai déjà parlé à Janett, elle a dit qu'on pourra l'inviter à dîner. Et puis, je vais te faire une confidence puisque tu es censé servir à ça, on s'est embrassées, Laura et moi. C'était mon premier baiser... C'était magnifique. Je me demande si je suis normale d’embrasser une fille et surtout d’aimer ça. J’ai encore peur d’en parler à Janett mais je sais qu’elle m’écoutera et ne me jugera pas.
Le lycée c'est trop dur, j'arrive plus du tout à suivre et il y a trop de devoirs. Il m'arrive souvent d'aller me balader avec L. plutôt que d'aller en cours... Si mon père l'apprend, ça va chauffer pour moi ! Samedi, je suis invitée à la première soirée de toute ma vie. C'est Charlie, ma meilleure amie, qui m'a invitée. Ça va être trop bien ! Bon, c'est l'heure de la douche, à bientôt.
Anna.
Cher journal,
la soirée de samedi soir s'est parfaitement bien déroulée. Je crois que c'était la meilleure soirée de toute ma vie. Avec Laura, ons'est rapproché comme jamais et... ça y est ! On l'a fait. On a fait l'amour elle et moi ! C'était bien, merveilleux. Maintenant, c'est les vacances alors je vais pouvoir profiter au maximum. Hier, Charlie et moi sommes allées faire du shopping, j'aime pas trop ça mais je l'ai accompagnée pour la conseiller sur ses fringues. Elle est restée pour le diner et nous avons passé la soirée ensemble. Je pense à Laura, elle est magnifique ! Veux-tu que je te la décrive ? Grande, brune aux yeux bleus... Elle est super gentil avec moi et toujours au petits soins. Je crois que je l'aime... mais je ne sais pas comment le dire à mon père. Il le prendra mal c’est sûr. Tous les autres le savent et ils sont enchantés pour moi. J’avais peur qu’ils me jugent mais finalement je suis soulagée. Bisous.
A.
Cher journal,
il y avait longtemps que je ne t'avais pas ouvert. Très très longtemps. Maintenant, j'ai dix-sept ans, je vieillis petit à petit ! Je n'ai pas fêté mon anniversaire cette fois-ci, parce qu'il n'y avait personne pour le préparer avec moi... Mon père a viré Janett pour je ne sais quelle raison et du coup, je me retrouve toujours toute seule et je dois me débrouiller. Avec lui, ça ne va plus. Il trouve toujours un prétexte pour qu'on se dispute et ça marche. On se supporte plus... Depuis que je lui ai annoncé que j’aimais les filles, il me déteste. Il a même voulu me mettre à la porte. D’ailleurs avec Laura, c’est fini, je ne parlerais plus jamais d’elle. Vendredi soir, j'ai fumé ma première cigarette et j'ai aimé. Ensuite, Charlie m'a roulé un joint, en m'expliquant que c'était cool de fumer ça et, j'ai aussi aimé... Mais bon, c'est rare que j'en fume, je veux tout de même pas devenir une droguée. Papa m'appelle pour diner, je dois avouer que je n'ai aucune envie de me retrouver à table en face de lui dans un silence religieux, mais je n'ai pas le choix.
Signé Anna Douglas.
Je m'étais toujours promis qu'à mes dix-huit ans, je partirais. N'importe où, loin de mon père. Et lorsque ma majorité fut enfin là, j'annonçais à mon père mon départ pour Zagreb. Sa réaction ne fut ni bonne, ni mauvaise, même si j'étais certaine d'une chose : ça devait être un soulagement pour lui. Il pourrait enfin se consacrer à son boulot de PDG sans se soucier que qui ce soit l'attende à la maison. Il a versé de l'argent sur mon compte, beaucoup d'argent... Le reste des économies que lui et maman avaient mis de côté spécialement pour moi, et un peu de ses économies personnelles juste pour le geste... Le changement Londres/Zagreb a été... inoubliable. J'ai complètement changé. Je pense toujours à ma mère, c’est elle qui me donne la force de survivre.
