CLYDE E. KEYNES
« Don't use words you don't understand. »
« You have a lot of love for him, don't you? »
« Don't use words I don't understand. »
Son pied se fait lourd sur l’accélérateur de sa voiture. Il n’aime pas particulièrement la vitesse et n’encourage pas les petits imbéciles à faire de l’excès, mais ce soir… Enfin, ce soir c’est différent. Serrant davantage son emprise sur le volant, son regard azure se pose sur la lumière de signalisation qui, en cette tombée de la nuit, brille d’un jaune éclatant. La sécurité routière nous apprend qu’au passage d’une lumière verte à une lumière jaune, le conducteur doit immobiliser son véhicule afin d’éviter tout potentiel… Ehm.. Regret. Clyde n’est pas du tout le genre d’homme à suivre les règles. Son regard oscillant entre la route et la lumière de signalisation, une giclée d’adrénaline possède son corps. Ses dents se serrent, sa main sur le volant également… Ne se rendant compte de la force exercée sur ce même volant que lorsqu’il jette un bref coup d’œil sur cette main d’où sont blanchies les jointures.
« Merde.. », souffle-t-il alors qu’il s’approche dangereusement de l’intersection où la lumière passe du jaune au rouge… Deux scénarios possibles s’offrent à lui : soit il continue et cours le risque de se faire massacrer dans le style qu’une voiture, conduite par un vieillard chez qui la vigilance fait piètrement défaut, fonce abruptement sur la sienne, directement sur la porte avant du côté passager, la détruisant totalement. Clyde en serait sortit indemne, bien entendu.. Mais ce qu’il appelle avec affection « son bébé » ne s’en sortira pas. Mort directe. Terminée. Kaput. Le mécanicien lui dira qu’elle a été totalisée par l’erreur complètement insensée et idiote pour laquelle il n’est que le seul à blâmer. Et il entendra la fatidique phrase « Je ne peux plus rien faire » émaner des lèvres de ce même mécanicien, indifférent, alors qu’il hausse les épaules et qu’il s’attaque à autre chose, laissant Clyde avec le détritus d’un « ce qui a été ». Scénario numéro deux : il immobilise sa voiture et joue le tout très … « Safe ». Cette deuxième option lui donne la nausée. Abusant de l’accélérateur, Clyde traverse la lumière rouge…
Il s’attendait à un crash. Il s’attendait de perdre son bébé aux vitres teintées. Il s’attendait à ce qu’une voiture la démolisse… Mais rien. Aucune voiture. Aucun bruit de freins forcés, aucun cri... Rien. Clyde lance un furtif regard sur son rétroviseur interne pour finalement constater que la rue était déserte lors de sa passée. Mais quelle perte d’énergie.. Poussant un profond soupire agacé, il sera alors forcé à aller à cette petite soirée à laquelle il a été invité… Par « il », je dis bien « ils »… Parce que si Clyde accepte d’aller à ces soirées complètement barbantes, il refuse d’y aller sans la présence de celui qui l’accompagne religieusement depuis quelques semaines. En même temps, il n’a pas du tout envie de le voir… En fait, si… Il est partagé, voilà. Depuis la nuit qu’ils ont partagés, il désire le voir… Il désire entendre sa voix, sentir son corps contre le sien… Et pour ces mêmes raisons, Clyde désire rester le plus loin possible de Soren.
La voiture bifurque sur une rue… Cette même rue qu’il traverse depuis quelques semaines. Ces mêmes immeubles qu’il commence à avoir l’habitude de côtoyer. Ces mêmes trottoirs qui commencent à lui donner la nausée. Cette même personne qui s’avance vers lui lorsque sa voiture s’immobilise. Il n’accueille pas Soren les bras ouverts… Comme à son habitude, quoi. Mais une fois ce dernier assis dans la voiture et la portière fermée, Clyde n’émet aucun son. Habituellement, il balancerait des paroles d’une arrogance singulière, un sourire condescendant ou… Quelque chose! … Mais pas ce soir. Ce soir, son regard ne croise pas le sien. Sa tête ne se tourne même pas vers lui. La présence du jeune homme n’est aucunement reconnue par l’héritier alors que, d’un coup sec, ils reprennent la route.
En même temps, tout est de sa faute! Ces sentiments qui prennent possession de son être, cette envie de le revoir constamment, son visage qui se trace dans la noirceur… Bordel! Irrité, Clyde stationne maladroitement sa voiture avant d’ouvrir la portière et de sortir, la fermant brusquement. Ouvrant la porte de son appartement, il se dirige vers sa chambre, déboutonnant sa chemise lors de son trajet. Cette soirée s’annonce particulièrement pénible. Non seulement il va devoir partager son oxygène avec cette femme avec qui il est fiancé (et qui, franchement, ne comprend pas qu’il ne veut strictement rien savoir de son existence) ainsi qu’avec tous ces gens qui ont tous l’air d’avoir un bâton bien profond dans le derrière (seule explication raisonnable quant à la raison pour laquelle ils sont tous aussi chiants), mais il doit… Il va devoir… Clyde pousse un long et profond soupire alors qu’il passe ses mains sur son visage. Pourquoi il ressent tout ça? Pourquoi? Il s’aimait particulièrement mieux lorsqu’il était incapable de ressentir ce genre de choses. Ces choses qui, selon l’héritier, nous rendent tous incroyablement et irrévocablement… Pathétiques. Torse nu, il sort de sa chambre à coucher et colle son dos contre le mur, croisant les bras en observant Soren s’avancer à son tour. D’un geste bref de la tête, il désigne la chambre où il a l’habitude de se changer.
« Abstiens-toi de tout commentaires cette fois, capiche? J’ai un affreux mal de tête et tes commentaires complètement inutiles ne feraient qu’accentuer ma souffrance. Fais c’que t’as à faire et c’est tout. », lance-t-il froidement avant de lui tourner le dos. Automatiquement après avoir balancé ces paroles d’entre ses lèvres, Clyde le regrette amèrement. Mais peut-il réellement lui parler autrement? Peut-il réellement se permettre d’être… tendre avec lui? Absolument pas! Fronçant les sourcils tout en fermant les yeux, il étouffe un soupire avant de commencer à s’habiller.
[…]
Il a l’habitude de participer à ce genre de soirées. Depuis l’époque où il n’était qu’un simple nourrisson, il se faisait trimballer par ses parents dans ces atroces soirées et il n’arrive pas à se souvenir la dernière fois où il s’est amusé… Peut-être parce que l’amusement n’a jamais fait partit de la description de ces évènements. Ses parents étant absents ce soir, Clyde balaie le lieu du regard, cherchant visiblement un visage connu à travers cette marée d’ignorants, sa main nichée dans le creux des reins de celui qu’il appelle son « petit ami » à tous les invités, spécialement cette fiancée qui darde son regard sur lui à l’instant même. Délaissant les gens avec qui elle entretenait une conversation qui avait l’air, aux yeux de Clyde, fort emmerdante, elle s’avance vers lui, toute forme de courtoisie absente de ses traits forts sévères.
« Tu ne manques jamais une occasion pour me faire comprendre le message, n’est-ce pas? », elle accorde un bref regard condescendant à Soren avant de darder une nouvelle fois son regard sur Clyde qui, pour sa part, ignore complètement sa présence.
« Et je vois que tu ne te tannes pas de ton boy-toy non plus… », agacé, Clyde plaque son regard sur cette fiancée avant de formuler
« Oh… C’est presque mignon. », un sourire ironique se trace à ses lèvres alors qu’il poursuit,
« Tu sais, moi aussi je serai un parfait trou d’cul si j’apprenais que ma fiancée me plaque ouvertement pour une autre femme. Faut croire que tu manques certaines habiletés… La jalousie se soigne, tu sais. », il glisse sa main dans celle de Soren, entremêlant ses doigts aux siens avant de s’éloigner, laissant la jeune femme seule. Une nouvelle soirée. Une fois de plus où il doit jouer le jeu... Un jeu qui, au final, n'en est plus un pour l'héritier..