J'étais longtemps resté l'unique orphelin que la famille accueillait dans la maison, comme on pourrait s'occuper d'un chien perdu avant de lui retrouver sa famille. Sauf que moi cela faisait maintenant plusieurs années que j'étais là sans trouver chaussure à mon pied. Et je n'avais pas vraiment été ravi d'apprendre qu'un autre garçon allait venir quelques temps vivre avec nous. Et savoir qu'il était aussi plus grand d'un an que moi n'avait pas arrangé les choses à ma mauvaise humeur. A cet époque-là j'étais loin de me douter qu'il allait rapidement devenir mon ami, mon grand-frère. Lentement je me dirigeai vers la porte de sa chambre que j'ouvrai sans y demander l'autorisation à son occupant, celui-ci ne posa même pas un regard vers moi. Il semblait trop concentré sur son travail. Je montai dans son lit en me faufilant dans ses couvertures encore fraîche afin d'y trouver la position agréable pour ma petite sieste improvisée. « Tu n'as pas des devoirs à faire ?! » « Hum non... » « Et un lit non plus tu n'en as pas ? » Je me redressai sur les coudes pour faire face à son dos, il avait tellement l'habitude de me voir squatter son lit. Même si c'était plutôt sa présence que la douceur de ses draps que je recherchai quand je venais dans sa chambre. J'appréciai grandement la solitude mais si depuis quatre ans j'étais souvent fourré dans ses pattes, un comportement qui m'étonnait moi-même car j'avais l'impression d'être un faible à ses côtés. « Ton lit est tellement plus confortable que le mien tu le sais bien. » « Tu vas pouvoir l'avoir pour toi seul bientôt. » Ses paroles me surprenait grandement, par le ton mais aussi par le sens de la phrase. Il ne m'avait jamais répondu ainsi, souvent même cela terminait en combat d'oreiller interminable jusqu'au repas du soir.

Il se retourna enfin pour me faire face, son visage était sérieux. Beaucoup trop sérieux et je commençais à redouter la suite. Je m'étais redressé sur son lit quittant ainsi la chaleur de ce dernier pour me concentrer sur Zarko. Le silence me rendait nerveux et il avait dû le remarquer vu qu'il se décidait enfin à prendre parole de nouveau. « Tu te souviens de la famille Elkaïm et bien j'ai accepté leur proposition. » Je bondissais du lit tel un mauvais ressort de matelas, ses paroles je les avais longtemps redouté car je savais que Zarko n'avait pas la même vision que moi vis à vis de ce sujet. Que lui rêvait toujours d'avoir une famille, d'être adopter... « Tu n'as pas fait ça !!! » Il se redressa de sa chaise pour s'approcher de moi, mais je l'évitai agilement pour courir en direction de la porte en lui lançant un regard plein de reproche et de tristesse. « JE TE DÉTESTE !!! » Puis je courus en direction de ma propre chambre afin de m'y enfermer avec colère, ne répondant pas à ses appels. Je ne voulais plus le revoir, je prenais cette nouvelle comme un abandon de sa part. Lui que j'avais pris pour mon grand-frère... « Joakim...Je pars ce soir. J’espère que tu viendras me dire au revoir. »

Et c'est uniquement par la fenêtre de ma chambre que j'ai vu Zarko partir avec sa nouvelle famille... Je n'avais pas eu la force de lui faire face ce soir-là, un choix que j'ai regretté par la suite quand la voiture s'éloignait dans l'horizon de la nuit.