« Speriamo nostra figlia non sarà omosessuale, come suo fratello. » Voilà les premiers mots que cette grande et influente femme qu’était madame Vallone prononça quand son fils fit son coming-out auprès de ses parents. Ca n’avait pas été quelques choses de très facile compte tenu du fait qu’ils n’étaient pas qualifiés de personnes ouverts mais plutôt comme des gens appréciés car ils tenaient aux traditions. La famille Vallone était une grande famille du nord de l’Italie avec une image parfaite dans leurs relations et il était hors de question que leur fils, Piedro, homosexuel, considéré comme pécheur auprès de leur grand dieu, soit reconnu plus longtemps. Ils ne tardèrent pas à le sous-estimer, et à le dénigrer, et il prit ses affaires. A cette époque, je n’étais pas très âgée et le jour où il quitta la maison, j’écoutais en boucle la neuvième symphonie de Beethoven pour éviter d’entendre les cris. Car je savais à l’avance ce qui allait arriver, mon frère était passé me voir, avait déposé un léger baiser sur le haut de mon front et m’avait susurrer à l’oreille un inaudible « ti amo ». Les larmes avaient coulé sur mes joues dans la seconde qui suivirent son passage de ma porte et pourtant je savais que je devais rester forte et ne plus jamais montrer aucune faiblesse auprès de mes parents ; je leur en voulais beaucoup d’avoir fait partir mon grand frère, il représentait tout pour moi, c’était un modèle, un ange, un protecteur et je savais depuis bien longtemps ce qu’il appelait son « grand secret ». Je n’avais de nouvelles de mon frère que par e-mails, et encore, je devais lutter pour que jamais mes parents n’apprennent que j’avais des contacts avec lui ; ils avaient mis un point d’honneur sur le fait que je ne devais plus entretenir la moindre relation avec lui, que jamais une telle créature du diable ne devait intervenir dans nos vies. Mais je n’en avais que faire, il était du même sang que moi, et je ne croyais en un être supérieur qui est le don de nous aider, de créer le bien et le mal ; car s’il existait vraiment, il aurait fait que Piedro reste avec moi, et il aurait bien vu que peu importe qui il aimait c’était une belle et bonne personne. Malheureusement, il n’avait jamais réagi et a laissé mes parents faire. A cette époque, j’ai commencé mon premier journal, j’écrivais beaucoup et avec une grande aisance, je savais que plus tard je serai journaliste, même si mes parents voulaient que je sois médecin ou avocate. Mais je n’avais pas les capacités de faire un tel métier, je n’avais pas la motivation. Je menais une vie paisible, j’avais trouvé le moyen de passer aux yeux de mes parents comme la petite fille parfaite, et ce moyen c’était l’hypocrisie. Je devins très vite hypocrite, mais pas égocentrique, j’avais ma morale, la mienne, pas celle qu’on m’imposait. Mes années d’adolescentes secouèrent ma vie, j’eus une période gothique que je cachais à mes parents, car « nero è il colore del diavolo » ; mais je m’en fichais. Je ne traînais qu’avec des gens qui avaient les mêmes pensées que moi, celles qui s’opposaient à la religion, des fils et filles de bourges, tout comme moi, qui en avaient marre de cette vie qu’on nous imposait. C’est alors que j’avais 14 ans que je me fis tatouer un petit cœur sur les fesses, c’était suite à un pari mais je trouvais ça tellement mignon et hors des droits fixés par « miei genitori ». Je souriais tout le temps, et les gens aimaient ça, ils trouvaient mon enthousiasme fringuant et mon optimisme impressionnant ; je me sentais flattée, mais pourtant je ne devins pas narcissique et laissai ma modestie prendre la place. A la fin du lycée, j’osais enfin affronter mes parents et leur dire que je n’irai pas à Harvard ou dans une grande université américaine, je voulais étudier le journalisme & les langues étrangères et avoir mon propre logement. Si vous aviez vu leurs têtes, j’ai cru que ma mère allait faire un malaise et que mon père allait avoir la main leste sur moi pour la première fois de sa vie. Heureusement, rien de tout ça n’arriva, pour mon plus grand bonheur ; et le soir même, alors que je faisais mes valises pour aller vivre dans un appartement du centre de Rome en colocation avec une de mes amies, ils vinrent dans ma chambre et me dirent : « Renata, sapete che siamo orgogliosi di voi e vi auguriamo il meglio. Ci auguriamo che si riesca a quello che stai facendo, ma promettiamo una cosa ... Va a messa ogni Domenica e tornare in Vaticano quando ti senti male, Dio vi aiuterà. E non pensate nemmeno di guardare le ragazze, o vi faremo una suora ... Si riguardi. » Je ne sais pas ce qui se passa en moi, mais bizarrement je leur souris et me demandai d’où ils sortaient leur folle idée de me voir homosexuelle. Je n’avais rien contre les gays, j’aimais mon frère de tout mon cœur mais je n’étais pas comme ça, j’aimais les hommes, oui bon j’avais ma façon mais ça ne changeait rien. Une fois installée à Rome avec ma colocataire, je me rendis vite compte que les regards que je posais sur elle et elle sur moi n’étaient pas qu’amicaux. Je suivais mes études de journalisme mais j’étais distraite ; un soir, elle osa m’embrasser, je ne lui résistai pas et finis dans son lit mais quelque chose changea chez moi et il eut été hors de questions que je reste plus longtemps ici. Lui laissant simplement un mot sur le frigo, je fis mes valises et partis pour Zagreb ; là j’avais eu un job dans une maison d’édition, ce n’était pas mon rêve mais ça me permettrait d’avoir un revenu, bien que mes parents m’entretiennent bien, que ma grand-mère maternelle m’envoie de l’argent tous les trois mois et que mon frère payent la plupart de mes dépenses internationales. Car oui, j’achetais pas mal de choses en ligne et il insistait pour les payer, voulant me montrer qu’il serait toujours là pour moi. Une fois installée en ville, j’entrepris de reprendre mes études de journalisme mais par correspondance. Mon boulot n’est pas si insupportable et je trouve qu’il y a de beaux jeunes hommes, et aussi cette jolie brune, mais euh… Non, je ne prendrai pas le risque de dire à mes parents ce dernier détail.