«
Tu m'passes la bolo' ? » Je glisse ma main sur la table et m'empare de la sauce, que je passe au meilleur ami de mon grand-frère après m'être servi. Un vendredi soir qui s'annonce comme les autres en somme. On est six à se regarder dans le blanc des yeux et parler du dernier match de rugby et autres futilités comme mes notes, le travail et la vie en général. En face est assise maman, son habituel sourire aux lèvres, elle ne cesse de parler de son club de jardinage. À sa droite, t'as papa, pasteur, il ne prend jamais part aux conversations... un jour il m'a dit qu'il parlait souvent avec Dieu. Je le crois. Pour l'existence du Seigneur, je veux dire. Sinon, on ne serait pas sur terre. Le fait qu'on ait autant la foi dérange fortement mes deux frères, ils disent que c'est des conneries, mais ils n'iront pas au paradis eux. De temps en temps, Papa se contente tout de même de rire à un commentaire et lever les yeux au ciel, mais pas un mot ne sort de sa bouche. Pour vous dire, il n'adresse même plus la parole à sa femme. Mariés depuis vingt ans, la passion qui les animait au début de leur mariage et pendant notre enfance s'éteint peu à peu, ça m'attriste. De part et d'autre de nos géniteurs, se sont placés Dreiden et Aleksander, mes deux frères. Aleksander c'est l'aîné, une petite vingtaine d'année, étudiant en journalisme et l'homme le plus attachant de la terre. Dreiden, majeur depuis peu est plus violent, vulgaire, moins ouvert sur le monde en apparence, mais c'est un gros nounours d'après Aleks qui le charrie sans cesse. Dreiden bosse dans un bar, mais papa et Aleksander sont presque sûr qu'il trempe dans la drogue et d'autres activités louches, parce qu'il a tout le temps plein d'argent alors qu'il fait presque rien. Après, y a Maxence. Le meilleur ami d'Aleksander depuis toujours. Max, il est français et je m'entends bien avec lui. Il est le seul à me parler normalement, à me traiter comme un être humain et pas une personne attardé. Il se libère souvent pour moi et en ce moment, il m'apprend même le français. Max, il est artiste et il dit que c'est une étoile qui a mis une barrière entre mon esprit et celui des autres lorsque je suis né. J'aime bien quand il dit ça, c'est plus joli que "syndrôme borderline". Moi, âgé de seize ans, je me trouve au milieu de tout ça, je ne parle pas vraiment. C'est pas que je m'en fiche, juste que je n'arrive pas à suivre le cours de la conversation. Tout ce que je comprends, c'est qu'il y a une histoire d'homophobie. Sûrement l'histoire de la semaine dernière. Un pd qui s'est fait battre à mort par des gars dans le quartier rouge. Ça n'a pas choqué plus que ça, tout le monde s'en fout. Maxence s'énerve, dit que les gays devraient pouvoir s'afficher sans avoir peur de se faire agresser à chaque coin de rue. Papa lui coupe la parole et tout le monde se retourne pour le dévisager comme si on vient de découvrir qu'il n'est pas muet en fin de compte. Papa dit que les gays devraient tous brûler en enfer, qu'ils ne méritent pas la vie si c'est pour ne pas faire d'enfants. Je suis d'accord avec lui, c'est pas normal. De là tout dégénère. Maxence et papa s'hurlent bientôt dessus et je les regarde tour à tour, terrifié. La rage déforment leurs traits. Aleksander me serre contre lui, j'enfouis mon visage dans son épaule. «
Papa, je suis gay. » Soudainement le silence se fait. Maxence baisse les yeux et le regard de Dreiden se pose tout à tour sur Max et notre frère. Il semble avoir saisis quelque chose qui m'échappe. Papa, lui, blêmit à vu d'oeil et maman se met à pleurer. Moi je ne comprends pas. Aleksander gay. C'est pas possible. Aleksander est loin d'être efféminé, il déteste le rose et danse pas de ballet. «
C'est quoi ce bordel ?! » Dreiden s'est finalement décidé de briser le silence et regarde à présent Maxence, visiblement dégoûté. «
Tu te fous de ma gueule mec ? Dis-moi pas que t'as sucé la bite à Aleks ? » Max se lève et lance un regard noir à Aleksander qui ne dit plus rien, jaugeant notre père qui fulmine. Le français sort de la salle et claque la porte derrière lui. Papa explose littéralement. Il bondit de sa chaise en hurlant, maman s'isole dans la cave, Dreiden gueule lui aussi et moi je pleure. Je comprends rien. Ils me font peur. «
MON FILS NE SERA PAS UN PD ! C'EST LUI OU NOUS ! » Mes larmes se mettent à couler de plus belles le long de mes joues et je sors à mon tour de la cuisine, laissant les autres se foutre sur la gueule comme des chiens enragés. Maxence se trouve là, il écarte les bras, m'invitant à me blottir contre lui. Je ne fais rien. Il est gay, c'est malsain de toucher à des personnes du même sexe. Dieu dit qu'ils ne méritent pas la vie. Un rire s'échappe d'entre ses lèvres lorsqu'il comprend, mais je lis de la tristesse dans ses yeux. «
Je suis désolé Eijy. Bientôt, ça ira mieux, je te promets. Aleksander et moi on pars à New-York, tout redeviendra comme avant. »
Liar.
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Tout a changé après cette nuit là. Aleksander et Maxence sont partis comme prévu et on n'a plus jamais entendu parler d'eux. Ils me manquent, même s'ils sont gays. Maman essaie de ne pas trop y penser, papa nie l'existence de son aîné. Moi, je pleure souvent. J'ai peur. Peur d'eux, peur de devenir comme eux, ... Dreiden dit que c'est une maladie contagieuse. C'est sûrement vrai. Papa parle de moins en moins, complètement perdu dans un autre univers d'après maman. Je lui ai dit qu'il parlait avec Dieu. Elle a bien ri et m'a dit que Dieu n'existe pas.
Menteuse. Ce qui est sûr, c'est que l'amour n'existe pas. Maman veut divorcer. Papa n'en a rien à faire. Il est trop occupé à s'occuper de la paroisse et de ses "brebis égarées". D'ailleurs, l'autre jour, je l'ai retrouvé avec une fidèle à genoux devant lui dans sa chambre pendant que maman animait son club de jardinage. Je n'ai pas compris ce qu'ils faisaient. J'ai demandé à Dreiden, il semblait en colère, mais n'a pas voulu m'expliquer. Plus tard, papa m'a dit que la croyante se repentait de ses péchés. Je n'ai pas posé plus de questions, mais ça m'a paru étrange. Alors, j'ai reposé la question à l'un de mes amis. Hadriel m'a alors sourit et m'a demandé si je voulais qu'il me montre. Je lui ai dit oui. Après le cours, il m'a amené dans les toilettes et nous a enfermé dedans. Sans rien me dire, il s'est agenouillé devant moi et m'a dit de me laisser faire. Sans me laisser le temps de répondre, il a défait mon jean et baisser mon caleçons, faisant apparaitre mon membre qu'il a saisi entre ses doigts. J'ai rougis et je me suis énervé, ses caresses se sont faites plus insistantes. C'était plaisant et j'ai gémis. Complètement perdu, je l'ai repoussé et je me suis rhabillé, tout honteux. Après ça, on en a plus reparlé. Dreiden avait raison ; être gay c'est contagieux.